Saviez-vous qu’il existe environ 500 millions de personnes russophones dans le monde, soit environ 2 fois plus que de francophones (274 Millions de francophones). La langue russe s’est largement répandue avec la grande URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques). Il est également surprenant de constater avec quelle rapidité nous avons tendance à assimiler toutes les femmes russophones avec des femmes russes, par facilité sans doute, sans tenir compte de l’importance des nationalités dans l’immense territoire sous influence russe. En effet, la Russie, qui est le plus grand pays du monde, comprendrait 170 nationalités différentes. Il faut par ailleurs noter que cette collaboration entre différentes nationalités se fait de manière harmonieuse sans conflits particuliers, avec un système de pouvoir localisé dans les états. Ainsi, en Russie, il existe un état musulman, le Tatarstan, dont la capitale est Kazan. Au Sud de la Russie, le Kazakhstan est également un pays russophone, très proche de la Russie, de tradition musulmane. Encore plus surprenant, à Novossibirsk, capitale de la Sibérie, vous allez rencontrer des chinois musulmans qui étudient dans les universités russes pour apprendre la langue de Pouchkine et s’ouvrir le marché russe.
Découverte de Kazan, Naberejnye Tchelny, extrait de mon journal de voyage en Russie
« Nous avions prévu de visiter la ville de Kazan en arrivant. Olia, notre guide, nous a fait une visite succincte mais très efficace des lieux ayant une forte influence musulmane. Nous avons visité de loin le Kremlin, les mosquées, le stade et la place principale. Le style de la ville est assez indéfinissable. On sent que les influences sont multiples et le type musulman n’est pas évident, à priori. Le froid mordant a rapidement abrégé la visite.
De toute manière, les parents étaient bien trop impatients de nous voir pour espérer retarder cet instant ne fut-ce que quelques minutes. Le téléphone cellulaire n’arrêtait pas de s’allumer depuis la veille, les parents suivant pas à pas le déroulement de notre voyage. Ici, chaque individu en âge de parler est équipé d’un appareil cellulaire. L’outil semble totalement indispensable.
Le voyage entre Kazan et Naberezhnye-Chelny durera 3 heures pendant lesquelles nous avons fait connaissance tant bien que mal. Slava était vraiment content de partager avec moi son gout pour la musique techno. La voiture roulait à une vitesse affolante sur une route à mi-chemin entre la route de campagne et la route forestière. On croisait pourtant d’énormes camions, lesquels venaient d’aussi loin que la Hollande. J’ai été frappé par le nombre de voitures en panne sur le bas-côté, capots ouverts et fumée grise ou noir. Les camions Kamaz, du nom du fleuve et de l’usine locale faisaient la majorité du trafic. Le paysage était assez terne, gris, glacial. Cela me rappelait un peu les paysages au bord de l’autoroute sur l’A5 quand on passe par Colombey-les-deux-églises. Pourtant à mi-chemin, nous avons fait une pause singulière dans une espèce de halte routière pleine de camions et de stands où on pouvait acheter des poissons séchés ainsi que du thé.
Un peu avant d’arriver, Slava conduisait tellement vite que nous nous sommes fait arrêter par la milice du coin. Avec un grand sourire, Slava a glissé un billet de 100 roubles dans son passeport et nous sommes repartis aussitôt. Tout cela était parfaitement normal. C’est pour cette raison qu’il est bon de devenir membre de la milice m’a assuré Slava.
L’arrivée à Naberezhnye Chelny est restée gravé dans ma mémoire. Après avoir traversé l’immense fleuve Kama, nous sommes arrivés dans une sorte de zone industrielle à perte de vue. D’énormes blocs de béton abandonnés, des tuyaux, de l’acier, des grues, et des colonnes de travailleurs qui marchent on ne sait pas bien dans quelle direction ni pourquoi. Comme pour s’excuser d’un tel spectacle Anna et Olia m’ont expliqué qu’il s’agissait de l’ancienne ville. La ville neuve est bien plus belle ! Les blocs d’habitation des banlieues de Paris sont des palaces à côté de ces bâtiments dénués de chaleur et d’une couleur qu’on pourrait inventer comme étant la couleur du désespoir. J’ai immédiatement compris pourquoi Anna avait voulu quitter cette ville.
Dans cette petite ville de 700.000 habitants, nous avons mis plus de 10 minutes pour atteindre le centre-ville où il fallait immédiatement que je passe me faire enregistrer auprès des autorités locales. C’est à ce moment que la fatigue extrême occasionnée par ce long voyage m’a rattrapé. Je me suis senti extrêmement las et fatigué lorsque la dame habillée en militaire tapait à l’ordinateur en regardant mes papiers avec le plus grand sérieux. Elle ne comprenait pas bien comment un français pouvait habiter au Canada et elle finit par inscrire Montréal comme une ville française. C’était plus simple de cette manière. Pendant que les procédures administratives s’éternisaient, les téléphones cellulaires redoublaient d’activité entre Slava qui attendait dans la voiture, les parents qui attendaient et nous qui étions coincés dans un bureau de la milicia. Je pensais défaillir lorsque finalement nous sommes repartis. »
Le Tatarstan est un état musulman dans l’état Russe avec sa propre langue, le tatar qui s’écrit à la manière des langues arabes. Cette langue appartient au groupe des langues turques de la famille des langues altaïques qui sont parlées en Russie. Sur les signaux qui indiquent les noms de rue, vous verrez les indications en Russe et en Tatar, ce qui est le propre des pays ayant plusieurs langues officielles. Dans l’Université d’État de Kazan (L’université fédérale de Kazan (en russe : Казанский (Приволжский) федеральный университет), vous allez rencontrer des femmes russes musulmanes qui se marient avec des hommes africains qui viennent étudier en Russie. Cette université qui comprend 35.000 étudiants fait partie des 10 plus importantes en Russie.
La version des bains russes musulmans (extrait de mon journal de Russie)
J’ai passé le reste de la journée à écrire mon journal dans l’attente fébrile de la sortie aux bains russes qui était prévue le soir même. C’est toujours un peu stressant de ne pas trop savoir à quoi s’attendre, ne rien comprendre à la langue, revenir d’une grosse dépression et se trouver si loin de tout ce qu’on connaît et qui nous définit. À ce moment j’ai pensé à toute la force de caractère qu’il faudrait à Anna pour s’habituer à un nouvel environnement en France. Cependant je pensais aussi que tout était tellement plus simple avec Anna à mes côtés. J’avais parfois l’impression qu’elle devinait chacune de mes pensées, chacun de mes besoins et de mes envies pour ensuite les combler avec une étonnante facilité. Comme la vie était plus simple avec elle.
Vers 17h30, Valera est rentré du travail un peu plus tôt que d’accoutumée. Anna et sa mère avaient déjà tout préparé les éléments de la soirée, serviettes, repas, boissons, brochettes. À 18 heures, Olia, Slava et Vadim nous ont rejoints et nous voilà parti dans la nuit noire sous une neige battante en direction des bains russes. “Tu n’as pas besoin de mettre ta ceinture !” m’a intimé Valera lorsque je suis monté dans la voiture. Je n’étais pas très rassuré. Nous devions sortir de la ville pour rejoindre un petit village à 30 km de Naberezhnye Chelny où un ami de Valera devait nous recevoir. J’étais vraiment désolé de ne pouvoir voir le paysage tant la neige et la nuit rendait la visibilité difficile. La route était dans un état épouvantable et même parfois Valera devait quitter la chaussée pour passer à travers champs tant le chemin était impraticable. Parfois, on traversait un petit village où j’apercevais une vieille dame avec un fichu sur la tête qui nous regardait passer avec surprise. La route était déserte. À un moment donné j’ai aperçu un système de canalisation aérien qui irriguait chacune des maisons du village que nous traversions. Valera m’a expliqué qu’il s’agissait du gaz pour le chauffage. Je me suis rappelé que la Russie est un gros producteur de gaz. Finalement nous sommes arrivés sans aucun problème dans un tout petit village où Zémphir, camarade de Valera, nous attendait sur le perron de son chalet. Dans la noirceur, Valera et Olia ont garé leurs voitures respectives sur un terrain enneigé où je ne me serais même pas aventuré à pied. J’ai immédiatement aimé le caractère sauvage et perdu des lieux ainsi que les visages de nos hôtes, Zémphir et Nazir, deux frères Tatar à la mine patibulaire mais presque comme aurait dit Coluche.
Incroyablement serviables et dévoués, ils avaient mis leur chalet et leur sauna à la disposition de toute la famille que nous étions. Au dehors, il y avait un feu de bois qui rougeoyait dans la clarté de la nuit fraiche. Slava a fini d’embrocher les brochettes avant que les hommes ne partent immédiatement rejoindre le bain, une maison en bois éloignée de quelques mètres de la résidence principale où les femmes préparaient le souper. Dans un étroit vestibule, nous nous sommes déshabillés entièrement. Des murs en bois du chalet exhalaient une bonne odeur enveloppante. J’entendais le crépitement d’un feu rageur vers le fond de la pièce. Quand tout le monde fut totalement nu, Slava a ouvert une petite porte dans le fond du vestibule qui donnait vers le bain. Une chaleur humide s’est répandue dans la pièce. Il m’a indiqué l’entrée et j’ai découvert le sauna, une pièce en bois avec un énorme poêle en aluminium au milieu. La chaleur intense était vraiment supportable, j’étais rassuré. Quand chacun fut installé, c’est Valera qui a donné le signal de départ de la séance de torture. Je ne m’y attendais pas vraiment. J’ai bien essayé une fois ou deux d’aller dans un sauna à Montréal mais je tenais rarement plus de 5 minutes consécutives. Avec une casserole remplie d’eau, il a aspergé les roches qui se trouvaient au milieu du poêle. La chaleur est devenue insupportable en peu de temps. Ma respiration est devenue pénible, les battements du cœur se sont accélérés, je regardais la situation avec une certaine inquiétude. Les gouttes de transpiration abondantes ont commencé à perler sur tous le corps des participants. Je commençais à avoir de la difficulté à voir clair dans la pièce embrumée. Ensuite quand la chaleur fut jugée satisfaisante, c’est à dire à la limite de ce qu’un être humain peut normalement supporter, Slava m’a demandé de me coucher en hauteur sur une espèce de couchette en bois. Évidemment, plus on monte et plus il fait chaud, c’est bien connu. Là j’ai eu droit à la séance traditionnelle russe de fouet avec des branches de bouleau qui trempaient dans un seau. Au départ c’était tellement douloureux que j’ai failli crier et puis j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis abandonné totalement. C’était la meilleure stratégie. La souffrance est devenue supportable et j’ai commencé à me sentir mieux. Les bienfaits du bain commençaient à se faire sentir. Finalement, il fallait maintenant sortir et retourner dans le vestibule pour boire. Slava a sorti des bouteilles de bière.” On ne boit pas de vodka dans le bain » a cru bon de préciser Slava. En me levant, j’ai réalisé que j’avais des fourmis un peu partout dans les membres. Très gentiment, Slava et Valera se sont inquiétés de ma santé, surtout de savoir si mon cœur était en bon état de marche. Finalement c’est avec plaisir que je suis retourné dans la fournaise pour le deuxième set. Je me sentais dans un état euphorique. A la toute fin, nous nous sommes lavés dans le bain en nous aspergeant d’eau tiède. Mais je n’étais pas préparé au feu d’artifice de clôture. Slava m’a demandé de me mettre à genou et de baisser la tête. J’ai alors senti se déverser sur mon corps brûlant une pleine bassine d’eau glacée. J’ai poussé un cri de douleur. Slava, avec un grand sourire, m’a expliqué que c’était nécessaire pour refermer les pores de la peau et faire cesser la transpiration. Il m’a expliqué qu’en principe il fallait se jeter dans la neige mais qu’il ne faisait pas assez froid.
En me rhabillant j’ai senti la faim terrible me gagner. Nous sommes tous retournés dans la cuisine pour dévorer les brochettes froides pendant que les femmes allaient au bain à leur tour. Je me sentais tellement bien que j’étais dans un état d’euphorie proche de l’ébriété. J’ai eu l’envie de faire connaissance avec les deux frères Tatars qui me semblaient vraiment digne d’intérêt. Le Tatarstan est une république dont la capitale est Kazan. La république est composée pour moitié de russes et l’autre moitié de Tatars. Les Tatars ont leur propre langage qui diffère sensiblement du Russe. Valera m’a expliqué que le langage russe est nettement dominant et les Tatars entre eux ont tendance à perdre leur langue. La russification de la province est très avancée. Voilà pourquoi lorsque j’ai demandé à Nazir si le miel sur la table était russe, il m’a répondu d’un air réprobateur qu’il était Tatar et non pas russe. Il y a donc des abeilles russes et des abeilles tatars en a déduit Slava fort justement. Nazir était fort curieux de voir à quoi pouvait ressembler un canadien et moi de même à son égard. La conversation a alors commencé avec l’inévitable vodka qu’on ne peut pas refuser mais dont on peut seulement contrôler la quantité à chaque prise. J’ai appris tant bien que mal que Zimphir était en retraite dans ce village où il menait une existence tranquille et paisible entre la pèche et la mosquée locale. J’ai causé une hilarité générale en me renseignant sur l’existence de traineau à chien dans les parages. En quittant la maison pour retourner à la voiture, Zimphir nous a montré avec fierté qu’il avait coupé le compteur d’alimentation du tuyau de gaz qui alimente sa maison. Je l’ai menacé de prendre en photo la forfaiture pour le dénoncer à la milice. Je me suis endormi dans la voiture en rentrant à Naberezhnye Chelny. J’ai rarement aussi bien dormi à la suite de cette étonnante expérience.
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