Fille célibataire

Vieille fille ou célibataire ?

L’idée qu’on se fait de la vieille fille a beaucoup vieilli. On parle d’ailleurs maintenant de célibataire, le terme de « vieille fille » sentant à plein nez la boule à mites. Et si la première inspirait très souvent la pitié, l’autre respire plutôt la sérénité et aspire au bonheur! Deux dénominations, deux réalités. 

Les générations passées n’ont pas été tendres avec celles qui tardaient à prendre mari. Dès qu’une femme semblait incapable de se faire passer la bague au doigt, il devenait évident qu’elle devait avoir des lacunes ou d’impardonnables défauts de fabrication.

Pour expliquer comment certaines échouaient là où tant d’autres réussissaient, on leur attribuait volontiers de charmants poils noirs sur la lèvre supérieure ou sur le menton, quelques dents déchaussées, une haleine de baleine, une poitrine creuse, des yeux chassieux, une jambe de bois, un pied mariton… Bref, rien pour plaire à tout homme normalement constitué. D’ailleurs, n’avait-on pas l’habitude de dire vieille fille, vieille guenille ? Jusqu’aux années soixante, les femmes ont été définies en fonction de leur rôle dans la conjugalité. Toute l’organisation était bâtie en fonction du couple et il fallait absolument se marier, que ce soit un mariage d’amour ou de raison.

Pourquoi ? Parce que durant la première moitié du siècle, il était impossible dé vivre sans la protection d’un homme, entre autres parce que les femmes avaient peu ou pas accès au marché du travail. La seule façon d’être quelqu’un, c’était de vivre par procuration, à travers le mari ou ses fils.

Et si certaines femmes choisissaient volontairement le statut de célibataire, la société leur, renvoyait une image de vieille fille, peu importe comment elles-mêmes se percevaient. Quand on dit « vieille fille », on parle de celle qui ne voulait ou ne pouvait pas se marier. Quand on dit « célibataire », on parle d’une personne qui vit seule. Il y a une grande distance qui sépare les deux définitions.

Mort d’un stéréotype

« Moi, une vieille fille ? J’ai plutôt l’impression de renaître depuis que j’ai quitté mon conjoint, lance Nathalie, une comptable de 31 ans. Je fais enfin ce que je veux et il n’y a plus personne pour me demander de baisser le son de la radio, de ne pas laisser traîner mon manteau sur une chaise ou d’éteindre ma lampe de chevet à 22 heures! »

Les vieilles filles version moderne n’ont plus rien de celles d’antan. Ni les poils au menton ni les dents déchaussées. Elles ne coiffent plus sainte Catherine l’année de leurs 25 ans et ne vivent aux crochets de personne. Mais surtout, elles ne sont plus perçues par l’ensemble de la société comme des laissées-pour-compte ou des marginales.

Difficile de faire autrement puisque près du quart des femmes de 15 ans et plus sont célibataires. Bon nombre de femmes optent pour le célibat parce qu’elles voient des avantages à ce genre de vie et estiment qu’elles ont ainsi de plus grandes chances d’être heureuses.

À l’époque, la vie à deux était le projet central des femmes. Aujourd’hui, il y a une foule d’autres projets qui s’offrent à elles. Même la publicité présente les célibataires de façon positive. Elles ne sont pas rivées à leur fauteuil, en larmes! Elles sont plutôt actives et dynamiques, surtout dans la génération qui monte, celle des 20-30 ans.

L’image de la vieille fille qui restait enfermée dans une chambre de bonne pour filer sur son rouet des jours d’une morne tranquillité a donc été nappée. En fait, « 93 % des femmes qui n’ont jamais été mariées disent que, quels que soient leurs problèmes, elles aiment l’indépendance et la liberté de leur vie de célibataire, le plaisir de rencontrer et de connaître des gens différents, d’être maîtresses de leur vie », relate Shere Hite dans Le Nouveau Rapport Hite (1988).

femme seule

Une question de choix

Johanne, 35 ans, est pharmacienne. Si elle est célibataire aujourd’hui, c’est à la fois par choix et à la suite d’un concours de circonstances. « Je ne suis pas super indépendante, mais j’aime ma liberté en ce moment. J’ai six gars dans mon entourage et parfois, ça se bouscule au téléphone! Ça me permet de choisir, de faire ce dont j’ai envie sans que personne ne me reproche quoi que ce soit. C’est un peu égoïste, mais si j’étais en amour, mes priorités changeraient probablement. »

Célibataire depuis une quinzaine d’années, Christine, 48 ans, coordonnatrice de projets, fait également partie de ces femmes qui parlent de leur liberté avec sérénité. « À part certains moments où il y a des manques, je ne regrette rien. Je ne suis pas prête à risquer de compromettre ma qualité de vie, même pour un copain! J’ai énormément d’amies et d’amis et une vie sociale très active, en plus d’être très autonome et indépendante de nature. Et pour moi, tout ce qui est attache permanente signifie compromis. L’idéal serait d’être en couple, mais de ne pas vivre ensemble. À chacun son indépendance et, quand le coeur nous en dit, on se retrouve pour des moments de plaisir, car on a quand même besoin de partager. »

De toutes les célibataires interrogées, Catherine, 43 ans, journaliste, est peut-être la seule à se montrer plus amère. « Il était très important pour moi de faire passer ma vie professionnelle avant ma vie privée. À l’époque, mes conditions de travail étaient inacceptables, et quand je rentrais chez moi, je n’avais qu’une envie: me taper une tranche de jambon devant la télévision! Ce qui ne m’a pas empêchée d’avoir des hommes dans ma vie! Mais il y avait aussi une question de personnalité. Quand tu as un certain caractère, tous les hommes ne l’acceptent pas. Alors le mariage de la carpe et du lapin, pas mon style! Par contre, je ne vois pas vraiment d’avantage à être seule plutôt qu’en couple. Il n’y a pas d’échanges, pas de complicité. Je crois que nous ne sommes pas faits pour vivre seuls. On n’est pas des hermaphrodites! Même intellectuellement! »

C’est là un côté sombre du célibat, auquel Johanne s’empresse d’en ajouter un second. « Moi, je reçois des commentaires nuls, surtout de la part de ma famille, confie-t-elle. Ce n’est pas qu’ils trouvent bizarre de me voir seule, mais ils ne comprennent pas. Chez nous, tout le monde est marié et tout le monde a des enfants. Alors ils me disent: « T’es bien difficile! » Pourtant, ce n’est pas parce que je suis difficile… Au bureau, ce n’est pas mieux! On me dit: « Je ne comprends pas qu’une belle fille sportive comme toi soit encore seule… » »

Hélène, une étudiante en sciences politiques de 29 ans, renchérit sur ce dernier point: « Chaque fois que je retourne dans ma famille, il y a toujours quelqu’un pour me faire une remarque déplaisante sur le fait que je ne sois pas encore mariée. J’ai beau leur répéter que je suis bien comme ça, ils ne veulent rien savoir. »

Des préjugés coriaces

C’est que le célibat est très souvent considéré comme une période transitoire. On pense généralement qu’une fille seule finira par se marier, à moins qu’elle ne joue vraiment de malchance. Les préjugés persistent. On voit encore la nécessité très grande d’asseoir nos acquis, de lutter contre les schèmes culturels.

Prenons l’exemple de quatre femmes qui se retrouvent dans un bar. Un homme va se diriger vers elles et leur demander: « êtes-vous seules ? », le mot « seules » désignant ici l’absence d’hommes. Cette phrase-là véhicule tous les préjugés. On refuse presque, parce que cela nous met mal à l’aise, que cela puisse être un choix délibéré. C’est tellement agréable, la vie à deux!

Pourtant, si à 25 ans – eh oui, l’âge où on coiffait sainte Catherine! – 71 % des femmes nées en 1946-47 étaient déjà mariées, la proportion baisse à 53 % chez les femmes nées en 1956-57 et à 19 % chez celles nées en 1969-70 (source: Louis Duchesne, Statistiques démographiques, 1996). Avec les unions libres, on en vient à considérer la conjugalité autrement. Il n’y a plus qu’une seule raison pour vivre en couple, et c’est vivre son amour. La finalité du couple consiste en la réalisation de soi et du désir amoureux. Dès que l’effervescence amoureuse disparaît, le couple disparaît. Et dans le futur, la tendance va probablement être aux unions séquentielles. On vivra en mode alterné: on aura des périodes de célibat et de conjugalité plus ou moins longues.

Pour conclure, une petite estimation tirée du Nouveau Rapport Hite: une femme mariée ou ayant vécu en couple deux fois pendant dix ans et vivant jusqu’à 70 ans serait célibataire pendant 32 ans de sa vie adulte. Ça fait réfléchir sur le statut de célibataire, non ? D’ailleurs qui se moquerait de qui aujourd’hui ? Les couples des célibataires ou les célibataires des couples ? De nos jours, on parle plutôt d’un choix de vie, et le bonheur n’est garanti ni mur les uns ni pour les autres!

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